Vice de consentement : captation d’héritage frauduleuse

Publié le
25/2/2020
Vice de consentement : captation d’héritage frauduleuse
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La captation d’héritage frauduleuse consiste à déterminer une personne vulnérable, par des moyens malhonnêtes, à remettre à une personne tout ou partie des biens composant sa succession.

Ce peut être des retraits frauduleux, des remises de chèques, l’obtention d’une procuration bancaire, d’un contrat d’assurance vie ou d’un testament etc….

On considère qu’il y a vice du consentement lorsque, sans ces manœuvres, la victime n’aurait pas consenti aux opérations contestées.

Certaines libéralités sont automatiquement annulées car le vice du consentement et la captation d’héritage frauduleuse sont irréfragablement présumés (A).

Les autres libéralités ne peuvent être annulées que si le demandeur prouve l’existence d’un vice du consentement constituant une captation d’héritage frauduleuse (B).

Elles seront en outre passibles de poursuites pénales (C).

 

Les libéralités nulles de plein droit pour vice du consentement et captation d’héritage frauduleuse 

Le législateur a introduit en 2016 des dispositions qui interdisent à certaines catégories sociaux-professionnelles de recevoir des libéralités de la part des personnes dont elles ont la charge.

Dans ces hypothèses, le vice du consentement est en effet caractérisé par un état de vulnérabilité médicalement ou juridiquement constaté.

Ainsi, et puisque le consentement du donateur et nécessairement altéré, le bénéficiaire ne peut pas recevoir la libéralité.

Le vice du consentement et la captation d’héritage frauduleuse sont alors irréfragablement présumés, et aucune preuve contraire ne peut être apportée.

Sont interdites les libéralités faites :

  • Aux membres des professions médicales, pharmacie et auxiliaires médicaux ayant prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt (article 909 Code Civil).
  • Aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs (article 909 Code Civil) ;
  • Et aux employés d’établissements sociaux ou médicaux sociaux et aux familles accueillantes (articles L331-4 et L 443-6 Code de l’Action Sociale et des Familles).

En présence de telles libéralités, la nullité sera prononcée du seul fait de la qualité du bénéficiaire. Car le vice du consentement et la captation d’héritage frauduleuse sont irréfragablement présumés. Et dès lors ne peuvent être combattus par la preuve contraire.

 

Les libéralités nulles sous réserve de démontrer l’existence d’un vice du consentement et d’une captation d’héritage frauduleuse 

Les composantes de la nullité de la libéralité

Dans les autres hypothèses, le demandeur doit démontrer l’existence d’un vice du consentement constitutif d’une captation d’héritage frauduleuse pour poursuivre la nullité d’une libéralité.

En effet, selon l’article 901 du Code Civil, il faut être sain d’esprit pour donner, et la libéralité est nulle lorsque « le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence».

Dès lors, pour obtenir l’annulation d’une libéralité pour captation d’héritage frauduleuse, le demandeur devra prouver le vice du consentement (une erreur, un dol ou une violence). Ou bien, au-delà du vice du consentement, l’insanité d’esprit c’est-à-dire l’absence totale de consentement.

La nullité appréhendée par la jurisprudence

Selon la Cour de Cassation, il y a insanité d’esprit lorsque « l’intelligence (de la personne vulnérable) a été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » (Cass. Civ. 1ère 25 mai 1987, pourvoi n°85-18.684).

La jurisprudence retient par ailleurs que :

  • L’erreur constitue un vice du consentement lorsqu’elle porte sur les avantages fiscaux d’une donation (Cass. Civ. 1ère 11 février 1986, pourvoi n°84-15.513) ;
  • Il y a vice du consentement lorsque des manœuvres constitutives dolosives isolent un testataire de son milieu familial. C’est notamment le cas en provoquant une rupture brutale et injustifiée avec sa fille unique avec laquelle elle entretenait d’excellentes relations (Cass. Civ. 1ère 30 octobre 1985, pourvoi n°84-15.922) ;
  • Le vice du consentement est caractérisé par la violence subie par une testataire de 87 ans de santé fragile, qui a rédigé un testament au profit d’un neveu menaçant et violent à son égard (Cour d’Appel de Bordeaux, 27 octobre 2003, n°02/2270).

Une fois démontrés l’insanité d’esprit ou le vice du consentement ainsi que le lien de causalité avec la libéralité contestée, la captation d’héritage frauduleuse est caractérisée.

La nullité de la libéralité doit alors être prononcée pour absence ou vice du consentement constitutif d’une captation d’héritage frauduleuse. Cette nullité a pour conséquence que le bénéficiaire de la libéralité devra en rapporter le fruit à la succession.

L’action en nullité pour insanité d’esprit ou vice du consentement doit être engagée dans le délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la captation d’héritage frauduleuse a été découverte.

 

Vice du consentement, captation d’héritage frauduleuse et poursuites pénales 

L’action pénale

Au-delà des poursuites civiles qui peuvent être intentées pour absence ou vice du consentement, la captation d’héritage frauduleuse est bien évidemment susceptible de poursuites pénales (article 233-15-2 du Code Pénal) dans un délai de six ans à compter du dernier acte illégal.

En l’espèce, il s’agit de poursuivre celui ou celle qui abuse frauduleusement de la faiblesse d’une personne vulnérable. Faiblesse du fait de son âge, de sa maladie, de son infirmité ou de sa déficience physique ou psychique. Mais aussi du fait de l’emprise psychologique ou physique à laquelle la soumet l’auteur de l’infraction.

Les différences entre action pénale et civile

L’action pénale pour abus de faiblesse et l’action civile en nullité d’une libéralité pour vice du consentement peuvent donc sembler assez proches dans leurs composantes.

Mais, si l’action civile nécessite la démonstration d’un vice du consentement (erreur, dol ou violence), l’action pénale nécessite en outre de démontrer que la victime était en état de faiblesse au moment de la captation d’héritage frauduleuse.

Or, le grand âge ne suffit pas à caractériser l’état de faiblesse, selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation.

En présence d’un « simple » vice du consentement, sans que l’état de faiblesse ne puisse réellement être démontré, le demandeur aura donc tout intérêt à privilégier la voie civile.

Quoi qu’il en soit, une captation d’héritage frauduleuse procède toujours d’un vice du consentement.

En conséquence, l’entourage familial et médical se doit d’être vigilant et de mettre en place toutes les mesures juridiques de protection qui s’offrent à lui. Telles que : tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future, afin de protéger les personnes les plus vulnérables et leur patrimoine de telles manœuvres.

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