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Loi Sécurité Globale : son cadre et ses conséquences juridiques

Publié le
9/12/2020
Loi Sécurité Globale : son cadre et ses conséquences juridiques
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Alors que le fossé entre Police et Nation se creuse, le Gouvernement prend parti en proposant une loi sur la Sécurité Globale.

Depuis quelques semaines, les manifestations de la Nation s’insurgeant contre la proposition Loi sur la Sécurité Globale se multiplient et font rage dans un contexte difficile alimenté entre COVID19, violences policières et précarité.

A cela s’ajoute la fragilité d’un pays qui était, avant l’arrivée de la crise sanitaire, en pleine révolte contre les mesures du gouvernement qu’il s’agisse des gilets jaunes, des professions libérales et des cheminots.

Aujourd’hui, c’est la Loi relative à la Sécurité Globale qui est au cœur des débats et la raison des manifestations de toutes les tranches de la Société, sans distinction.

La réalité objective suggère de s’interroger sur la contextualisation proposée pour arguer en faveur des mesures proposées par le Gouvernement.

Ainsi, la Loi commence par un adjectif péjoratif : l’Insécurité ; mère de tous les maux du peuple Français.

L’usage de cet adjectif est destiné à susciter et faire germer une peur et une inquiétude dans l’esprit des Français et dont le Gouvernement a la solution pour y remédier et protéger son Peuple.

  

La Loi Sécurité Globale : une loi pour «la sécurité de toutes et tous»

De là, est fait un lien simpliste et provocateur entre l’insécurité et la raison de cette insécurité : les gens des banlieues « en bas des immeubles », « les violences urbaines ou les rixes entre bandes. »

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de proposer des mesures étendant les prérogatives de la Police (policiers municipaux, militaires, gendarmes) « qui agissent pour protéger les Français et le territoire », pour « la sécurité de toutes et tous », autrement dit pour « une sécurité globale » contre l’insécurité allant des « incivilités dans les transports jusqu’aux violences graves sur les personnes […] ».

L’extension de ces prérogatives passe également par la nécessité, pour les polices municipales de « poursuivre leur montée en compétences et explorer de nouvelles modalités d’action », ce qui interroge nécessairement sur les garanties des droits et libertés fondamentales de la Nation.

C’est donc une loi pour la Police, en tant qu’institution destinée à garantir la sécurité des personnes et des biens.

L’analyse de la proposition de Loi qui a valu un rapport de 362 pages oblige à se limiter à certaines dispositions ayant suscité la critique des Français notamment les articles 23, 24 et 25 du Titre IV relatif à la mise en œuvre d’un cadre d’action pour les forces de sécurité intérieure.

Il conviendra donc d’analyser les conséquences juridiques de ces différents articles, respectivement.

De prime abord, la loi n’a pas encore été définitivement adoptée. L’Assemblée Nationale a voté la proposition de loi le 24 novembre 2020. Il appartient au Sénat, seconde chambre du Parlement, de voter ou d’amender ladite loi.

En tout état de cause, une réécriture des articles ayant suscité la colère des Français ne peut qu’être envisagé pour calmer les esprits de la Nation française.

  

L’article 23 de la loi Sécurité Globale

La suppression des crédits de réduction de peine à la suite d’infractions sur des personnes exerçant certaines missions de service public

L’article 23 de la Loi sur la Sécurité Globale propose un article 721-1-2 du code de procédure pénale qui interdirait toute personne condamnée à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles :

  • 221-4 (sur l’empoisonnement), 222-3 (acte de torture ou de barbarie),
  • 222-8 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et ses circonstances),
  • 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et ses circonstances),
  • 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail),
  • 433-3 (menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les bien proférée à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un magistrat, d’un juré, d’un avocat, d’un officier public ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique […]) du code pénal,

de bénéficier des crédits de réduction de peine lorsque ces infractions ont été commises sur une personne investie d’un mandat électif public, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire.

Ainsi, une personne qui commettrait les crimes ou délits susmentionnés sur une personne tel qu’un maire, un membre du Sénat, de l’Assemblée nationale, un policier ou un gendarme ou encore un sapeur-pompier, en dépit de son « bon comportement » en prison ne pourra pas demander une réduction de sa peine, comme cela se fait actuellement.

Outre le fait que la personne condamnée à une peine privative a déjà fait l’objet d’une condamnation, elle est condamnée à une double peine en ne bénéficiant plus de ce que d’autres ont bénéficié auparavant.

Une différence de traitement

La prison est avant tout un lieu de réinsertion sociale destinée à faire comprendre à la personne ayant causé du tort à la Société en commettant un crime ou délit que son comportement est répréhensible et ne doit pas se répéter.

Lorsqu’une personne condamnée à une peine de prison montre des signes de réinsertion sociale et que son comportement en prison le permet, elle peut solliciter des réductions de peine.

La différence de traitement selon qu’il a été porté atteinte à une personne physique ou à une des personnes susmentionnées ne peut qu’interroger.

 

L’article 24 de la Loi Sécurité Globale

L’interdiction de diffuser le visage ou tout autre élément permettant l’identification d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie

L’article 24, quant à lui, propose une réécriture de l’article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 en condamnant à « un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dan le cadre d’une opération de police. »

Un tel article ne peut qu’être férocement contesté et les Français se doivent de s’indigner contre cette grave atteinte à leurs droits et libertés fondamentales.

Comme évoqué lors de l’introduction, avant la crise sanitaire internationale, les Français portaient leurs voix et manifestaient pour dénoncer les rouages du Gouvernement et les difficultés qu’ils vivent chaque jour.

Difficiles d’oublier les manifestations continues des gilets jaunes et les bavures policières qui ont été perpétrées.

Pour y faire face, le Gouvernement suggère d’interdire la diffusion « malveillante » de vidéos, photos ou autre permettant d’identifier un policier ou un gendarme alors même que la Police est, depuis des années, critiquée pour les violences qu’elle fait subir aux Français.

Encore faut-il savoir ce qu’il est entendu par « diffusion malveillante ».

Une diffusion « malveillante »

A cet égard, et dans le fil de l’actualité, les actes dont a été victime Monsieur Michel ZECLER, le 26 novembre dernier, par des policiers en service, imposent le débat.

Doit-on accepter l’opacité dans les interventions de la Police auprès des Français ?

Monsieur Michel ZECLER s’est fait sauvagement tabasser et insulter par des policiers dans son lieu de travail situé dans le 17ème arrondissement de Paris.

Les policiers ont d’abord justifié les coups en évoquant des actes de violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique et rébellion, ce qui a valu 48 heures de garde à vue pour la victime…

Sauf qu’ils n’avaient pas envisagé le fait que le lieu de travail de Monsieur ZECLER était doté de caméras de surveillance ayant filmées toute la scène. Ces vidéos montrent des actes de violences sur la personne de Monsieur Michel ZECLER ainsi que des propos racistes ramenant la civilisation des siècles en arrière.

La diffusion de ces vidéos a permis de rétablir la vérité et d’incriminer les policiers. Pour autant, était-ce une diffusion malveillante selon les termes de la loi ?

Combien n’ont pas pu filmer et n’ont pas été filmé pour les actes de violences policières dont ils ont été victime ?

On pense alors aux victimes ayant succombé aux violences policières telles que de Zyed BENNA, Bouna TRAORE, Moushin SEHHOULI, Laramy SAMOURA, Adama TRAORE, Zineb REDOUANE, Cédric CHOUVIAT, Mohamed GABSI, et bien d’autres pour qui la voix ne peut plus être entendue aujourd’hui.

A ce jour, le Gouvernement souhaite créer une nouvelle infraction qui est la diffusion d’image ou d’élément d’identification d’un policier ou gendarme.

La conséquence juridique de cette nouvelle infraction est pénale puisque l’auteur de la diffusion des images pourra être condamné à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

 

L’article 25 de la Loi Sécurité Globale

L’autorisation aux policiers et gendarmes, en dehors de leur service, de porter leur arme et d’accéder à des établissements recevant du public

Le Gouvernement ne manque pas d’étonner avec l’article 25 qui autorise policiers et gendarmes à garder leur arme lorsqu’ils sont hors service et les autorise à pénétrer dans des établissements accueillant du public avec leur arme.

Cependant, l’instruction relative à l’arme individuelle ou de service du ministère de l’Intérieur en date du 09 mars 2017 (INTC 1707795J) rappelait « quel qu’en soit le fondement juridique, l’usage de l’arme est soumis au principe d’absolue nécessité et de proportionnalité. »

Ainsi, la question qui s’impose est de savoir sur quel fondement juridique et pas seulement les « épisodes terroristes » justifient qu’un policier ou qu’un gendarme porte une arme hors service et pénètre dans un établissement recevant du public.

Si la loi devait entrer en vigueur et que l’article 25 était adopté, les policiers et gendarmes seraient autorisés à circuler dans les établissements accueillants du public et en faire usage, si besoin.

 

Conclusion :

L’analyse de ces trois articles démontre une large restriction des libertés et un cadre plus strict visant à la protection de la Police.

Or, tout cela s’expliquerait par l’insécurité endiguée par les incivilités et autres violences.

Le seul moyen, selon le Gouvernement, est d’accroître les prérogatives de la Police (police municipal, militaire de la gendarmerie) afin d’assurer une sécurité globale des Français et du territoire national alors même que la France fait face à un contexte de violences policières récurrentes.

Par conséquent, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’une telle loi qui ne résout pas les problèmes sociaux de fond mais qui les accroît.

A cela, s’ajoute l’étonnement de la commission des lois du Sénat concernant l’initiative du Gouvernement de créer une commission « indépendante » alors même que la proposition de loi relative à la sécurité globale est en pleine navette parlementaire.

La création de cette instance indépendante décidée par le Gouvernement interroge sur les conditions de la séparation des pouvoirs et sur l’avenir de cette proposition de loi.

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs. » Robespierre.

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