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Sous-location non-autorisée d’un appartement à Paris sur Airbnb

Publié le
25/6/2020
Sous-location non-autorisée d’un appartement à Paris sur Airbnb
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La responsabilité d’Airbnb Ireland engagée du fait de sa qualité d’éditeur de contenus

Jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 5 juin 2020

  

Les faits en cause 

Le propriétaire d’un appartement meublé, situé dans un quartier touristique de Paris, avait donné son bien à bail, prévoyant un loyer mensuel de 977€. Le bail rappelait expressément les dispositions légales aux termes desquelles il est interdit au locataire de céder ou sous-louer le logement, sauf accord écrit du propriétaire, y compris sur le prix du loyer.

Sans autorisation, le locataire avait cependant sous-loué le logement à 164 reprises sur la plateforme Airbnb pour un total de 534 jours sur deux années, encaissant de ce fait des loyers pour un montant de 51.936,61€.

Informé de la situation, le propriétaire avait saisi le Tribunal judiciaire de Paris d’une action à l’encontre de ce locataire et à l’encontre de la plateforme de location Airbnb Ireland.

Le propriétaire aurait pu se contenter de solliciter la condamnation d’une part du locataire au paiement d’un montant correspondant aux loyers indûment perçus et d’autre part la condamnation de la plateforme Airbnb au paiement d’un montant correspondant à celui des commissions prélevées.

Cependant, le propriétaire invoque, à l’encontre de la plateforme Airbnb, une faute en sa qualité d’éditeur de contenus et non de simple prestataire technique ou d’hébergeur. Selon le propriétaire, en conséquence de ce statut d’éditeur de contenus, Airbnb aurait failli à son obligation de surveillance de la licéité des annonces publiées sur sa plateforme. Sur ce fondement, il demande la condamnation solidaire du locataire et d’Airbnb Ireland au paiement de la somme correspondant aux loyers perçus du fait de la sous-location.

 

Le bien-fondé de la demande en réparation formée par le propriétaire de l’appartement

A l’occasion d’un arrêt du 12 septembre 2019 rendu sur le fondement des articles 546 et suivants du Code civil, la Cour de cassation a énoncé très clairement que le propriétaire d’un bien immobilier était en droit de demander le remboursement des sommes indûment perçues par le locataire du fait d’une sous-location non-autorisée, sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité. En effet, les sous-loyers, considérés comme des fruits civils, reviennent automatiquement, par accession, au propriétaire du bien qui en est à l’origine.

En l’espèce, il n’est donc pas surprenant que le Tribunal reconnaisse le bien-fondé de la demande du propriétaire à l’égard de son locataire visant à obtenir le versement de la somme correspondant aux loyers effectivement perçus soit 51.936,61€.

Sur le même fondement, le Tribunal judiciaire de Paris accède à la demande du propriétaire de voir la plateforme Airbnb condamnée à lui verser la somme correspondant au montant des commissions perçues, proportionnelles au montant des sous-loyers indûment encaissés, soit 1.558,20€.

 

La responsabilité d’Airbnb en sa qualité d’éditeur de contenus

Pour se prononcer sur la demande de condamnation solidaire du locataire et d’Airbnb Ireland au versement de la somme correspondant aux sous-loyers, le Tribunal devait statuer, dans un premier temps, sur sa qualification juridique : hébergeur ou éditeur de contenus ?

La nature de la responsabilité d’Airbnb allait dépendre de cette qualification.

Airbnb qualifié d’éditeur de contenus

En effet, aux termes de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, la responsabilité des hébergeurs de contenus ne peut être retenue du fait de la teneur illicite des contenus publiés dès lors qu’ils ne sont pas soumis à une obligation de surveillance des informations transmises et stockées, ni à une obligation de recherche de faits ou de circonstances révélant des activités illicites. Il leur suffit donc de retirer le contenu illicite sur simple demande pour échapper à toute responsabilité quand audit contenu. A contrario, une personne physique ou morale qui exerce un contrôle sur le contenu publié sur sa plateforme est qualifiée d’éditeur de contenu et doit supporter les responsabilités qui en découlent.

En l’espèce, le Tribunal constate qu’Airbnb a mis en place un système de contrôle du contenu publié sur sa plateforme.

En effet, aux termes de ses conditions générales d’utilisation, des directives sont imposées aux hôtes, notamment quant aux biens loués, aux réponses à apporter aux demandes de location, aux équipements des logements loués … A défaut de respecter de telles directives, en cas de manquement grave ou de manquements répétés, Airbnb se réserve le droit de retirer le contenu publié par un utilisateur. Par ailleurs, un système de notation des hôtes, certes géré par un logiciel mais contrôlé par Airbnb, permet de présenter des classements remis à jour régulièrement. Enfin, il est rappelé qu’Airbnb se réserve la possibilité de demander plus d’informations aux Membres sur leur identité et antécédents éventuels.

Le rôle « actif » d’AirBnb dans la mise en relation

En conséquence, le Tribunal judiciaire de Paris constate le « caractère actif de la démarche de la société Airbnb dans la mise en relation des hôtes et des voyageurs et de son immiscion dans le contenu déposé par les hôtes sur sa plateforme ».

Ce rôle actif dans la publication des informations sur sa plateforme est de nature à conférer à Airbnb une connaissance et un contrôle des données stockées et communiquées en ligne à la demande des hôtes utilisateurs. Airbnb ne saurait donc être qualifié de simple hébergeur mais au contraire d’éditeur de contenus.

De ce fait, « dès lors que l’hôte exerce une activité illicite par son intermédiaire, compte tenu de son droit de regard sur le contenu des annonces et des activités réalisées par son intermédiaire en qualité d’éditeur, elle [la société Airbnb] commet une faute en s’abstenant de toute vérification, laquelle concourt au préjudice subi par le propriétaire. »

En conclusion, par un jugement du 5 juin 2020, le Tribunal judiciaire de Paris condamne solidairement le locataire et Airbnb Ireland, en sa qualité d’éditeur de contenus, au versement du montant correspondant aux loyers encaissés du fait de la sous-location non-autorisée de l’appartement.

Désormais, Airbnb Ireland ne pourra plus s’enrichir du fait d’agissements illicites de ses utilisateurs commis sur sa plateforme et devra s’assurer d’un contrôle précis avant la mise en ligne des annonces.

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