Droit immobilier

Coronavirus : La suspension des loyers professionnels et commerciaux

Ganaëlle Soussens, avocate en droit immobilier, nous décrypte la suspension des loyers professionnels et commerciaux durant l'épidémie

Pour aider les entreprises à faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, les pouvoirs publics ont annoncé la « suspension » des loyers.

Précisons que cette mesure ne concerne QUE les entreprises et nullement les particuliers.

Ne sont donc concernés par la mesure que les loyers dus au titre d’un bail professionnel, pour la location de bureaux, par exemple, ou d’un bail commercial, pour la location d’une boutique, par exemple.

Précisons également qu’il ne s’agit que de la possibilité, sous certaines conditions, de différer le paiement des loyers.

  

Les entreprises concernées 

Les professionnels qui peuvent bénéficier de cette mesure sont ceux qui sont éligible au fonds de solidarité.

Il s’agit des TPE, des indépendants, professionnels libéraux ou micro-entreprises, exerçant en nom propre ou non qui remplissent trois conditions cumulatives :

  • Un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1 million d’euros,
  • Un bénéfice annuel inférieur à 60.000 €,
  • Dont l’activité a été interdite dans le cadre des meurs prises pour lutter contre le covid-19 ou avoir perdu 50% de son chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport à mars 2019.

  

Les loyers concernés

La mesure concerne non seulement les loyers mais également les charges payées par le locataire au propriétaire bailleur.

Ce sont les loyers qui devaient être réglés depuis le 12 mars 2020 ou qui seront dus dans les 2 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Il s’agit donc, par exemple, du loyer de mars, mais seulement s’il est payable à terme échu.

Il s’agit également des loyers dus le 1er avril 2020, qu’ils soient payables par mois ou par trimestre.

  

Comment bénéficier de cette mesure pendant le Coronavirus ?

Il n’est pas envisageable que les locataires suspendent de leu propre initiative le règlement des loyers. Si l’on comprend l’intérêt de la mesure pour les locataires, il faut également en apprécier la portée pour les propriétaires. Et spécialement ceux qui ont besoin de percevoir le montant du loyer pour rembourser un prêt immobilier, régler des charges de copropriété, compléter une retraite modeste.

Le locataire, qui entend bénéficier de la mesure, doit donc en informer son bailleur et justifier non seulement de ce qu’il est éligible mais encore de ce qu’il a déposé une demande pour bénéficier du fonds de soutien.

Le décret prévoit que le locataire adresse au propriétaire :

  • Une déclaration sur l’honneur attestant de ce qu’il remplit les conditions rappelées ci-dessus,
  • Et l’accusé-réception du dépôt de la demande qu’il aura adressé au fonds de solidarité.

  

Qui peut me conseiller dans cette démarche ?

Pour ne pas faire d’erreur et selon le contexte dans lequel se trouve votre entreprise, il peut s’avérer utile d’aller chercher des conseils auprès de vos partenaires historiques, notamment :

  • Les assistances juridiques de vos banques ou assurances
  • Vos avocats partenaires
  • Le réseau familial ou professionnel (si vos proches possèdent les compétences)

Il est également possible de trouver de nombreux conseils en ligne avec des avocats, sous forme de prise de rendez-vous sur les annuaires traditionnels. Les prix des consultations en ligne peuvent varier avec des tarifications à la minute, ou sous forme de prix fixe.

Des avocats proposent également des consultations par téléphone.

C’est d’ailleurs cette solution que propose Call A Lawyer, une plateforme qui vous permet de joindre des avocats si vous souhaitez obtenir des conseils juridiques par téléphone, sans prise de prendre rendez-vous et pour le prix d’une consultation chez le médecin.

  

En quoi consiste exactement cette mesure ?

La mesure consiste en une « suspension » du paiement des loyers, ce n’est donc pas une exonération, ni une annulation, mais plutôt un moratoire.

Sous réserve de respecter les conditions rappelées ci-dessus, le locataire peut ne pas régler les loyers dus pendant la période allant du 12 mars 2020 au 2ème mois suivant la fin du confinement sans encourir aucune pénalité. Mais également sans risquer de voir son bail résilié par le propriétaire et sans que la personne qui s’est éventuellement portée caution ne soit inquiétée.

La mesure de suspension met donc en échec les clauses pénales, les clauses résolutoires et toutes autres stipulations ou dispositions applicables en cas de retard de règlement ou de non-paiement du loyer.

Pendant toute la période visée, le propriétaire bailleur devra « subir » le non-paiement du loyer sans pouvoir mettre en œuvre quelque mesure coercitive que ce soit à l’égard de son locataire. 

La suspension des loyers : une fausse bonne idée ?

Si l’on comprend le soulagement du locataire qui en grande difficulté financière, n’a pas – ou peu – à se préoccuper du paiement du loyer de ses locaux professionnels ou commerciaux ; il ne faut pas oublier :

  • Les conséquences pour le propriétaire bailleur,
  • Le fait que les loyers « suspendus » restent dus.

Il est donc impératif d’instaurer un dialogue entre propriétaire et locataire pour organiser conjointement la reprise des paiements et particulièrement les conditions d’apurement de la dette locative.

Le locataire qui suspend le paiement des loyers doit en effet garder à l’esprit qu’il s’agit d’une situation transitoire et que lorsqu’elle prendra fin il devra :

  • Reprendre le règlement des loyers et des charges,
  • Et régler les loyers « suspendus » pendant la période de confinement.

Le locataire devra aussi se souvenir que les paiements qu’il effectuera seront affectés au règlement des dettes les plus anciennes, conformément aux règles d’imputation des paiements. En d’autres termes, les sommes réglées après la fin du confinement seront imputées sur les loyers de mars, avril, mai éventuellement et ce n’est que lorsqu’il aura réglé les loyers et les charges dus pour la période de confinement que les sommes que le locataire versera au propriétaire seront affectées aux loyers dus postérieurement à la période de confinement.

Or, ces loyers, qui seront dus postérieurement à la fin du confinement, ne bénéficient d’aucune mesure spécifique de sorte que le propriétaire, qui observerait une situation d’impayés, pourra faire application des clauses du bail qui prévoient des pénalités de retard, la résiliation du bail, la garantie de la caution, etc.

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