Nouvelles règles pour les entreprises en difficulté suite au Covid-19

Publié le
18/6/2020
Nouvelles règles pour les entreprises en difficulté suite au Covid-19
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Les entreprises ont été frappées de plein fouet par la crise sanitaire causée par le nouveau coronavirus et le Gouvernement s’est fait fort d’adapter les règles de droit à cette pandémie.

A cet égard, les outils juridiques pour assister les entreprises en difficulté ont été remaniés :

  • Une première ordonnance est venue adapter les délais relatifs aux procédures collectives et à l’appréciation de la situation de cessation des paiements au regard de l’urgence sanitaire[1];
  • Puis, une seconde ordonnance est venue offrir des outils de restructuration et d’alerte plus adéquats dans contexte d’une reprise économique qui ne permettra probablement pas d’éviter une vague de faillites. Il s’agit de l’ordonnance du 20 mai 2020 dont nous allons dresser un panorama non exhaustif ci-dessous.

 

Le renforcement de l’anticipation des difficultés des entreprises 

Le devoir d’alerte

En temps normal, lorsqu’il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation le commissaire aux comptes (le « CAC ») alerte le dirigeant qui doit lui répondre dans un délai de 15 jours[2] (on parle de « phase 1 » de l’alerte). A défaut de réponse ou de réponse satisfaisante, le CAC invite le dirigeant à faire délibérer le conseil d’administration et en informe le Président du tribunal de commerce (on parle de « phase 2 » de l’alerte).

Le devoir d’alerte du CAC est renforcé par l’ordonnance du 20 mai 2020[3]. A présent, lorsqu’un CAC enclenche la procédure d’alerte, il peut transmettre plus en amont une information plus complète :

  • Dès la phase 1, il peut prévenir sans délai le président du Tribunal de commerce et n’est plus tenu d’attendre le retour du dirigeant lorsque l’urgence le commande ou lorsqu’il estime les mesures prises par le dirigeant insuffisantes ; et
  • Le CAC est délié du secret professionnel et le président du tribunal pourra lui demander de transmettre tout « renseignement complémentaire de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise.».

La conciliation

La procédure de conciliation est une procédure confidentielle de prévention des difficultés des entreprises au cours de laquelle le débiteur va tenter de renégocier ses dettes ou de restructurer son entreprise avec ses créanciers sur une base consensuelle[4].

Désormais, le débiteur peut tordre le bras à certains de ses créanciers durant les négociations en demandant l’application à leur égard de mesures similaires à celles d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Le débiteur peut ainsi demander par une procédure non-contradictoire (requête) au Président du tribunal ayant ouvert la conciliation, lorsque le créancier refuse de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la conciliation[5] :

  • D’interrompre ou d’interdire toutes poursuites relatives au paiement d’une somme d’argent, à la résolution d’un contrat, à l’exécution forcée d’une créance ;
  • De reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, les majorations, intérêts ou pénalités de retard n’étant alors pas encourus ;
  • De bénéficier de délai de grâce dès lors que le créancier refuse de suspendre l’exigibilité de sa créance (en temps normal cela n’est possible en conciliation que si le créancier demande le paiement de sa créance).

Enfin, la durée de la conciliation qui est normalement au maximum de 5 mois peut être prolongée de 5 mois[6].

L’élargissement de la possibilité d’ouverture d’une sauvegarde accélérée

L’ordonnance supprime les seuils requis[7] pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée. Dorénavant, tous les débiteurs pourront ouvrir une sauvegarde accélérée[8]. Cette procédure de sauvegarde doit être préparée en amont dans le cadre d’une conciliation et sa durée plus courte que la sauvegarde « classique » permet de limiter l’effet destructeur de valeur pour l’entreprise

 

Faciliter l’adoption et l’exécution des plans de sauvegarde et de redressement

Faciliter l’adoption des plans

Dans le cadre de l’adoption des plans de sauvegarde et de redressement, les créanciers disposent en temps normal d’un délai de 30 jours pour répondre à la proposition formulée par le mandataire judiciaire. L’ordonnance du 20 mai 2020 permet de simplifier les modalités de consultation (elles peuvent être faites par tous moyens permettant d’établir une date de réception et non plus seulement par lettre recommandée avec accusé de réception) et d’abaisser ce délai à 15 jours afin d’accélérer l’adoption des plans[9].

La jurisprudence prévoit en temps normal que le plan de sauvegarde ou de redressement doit prévoir le paiement de toutes les créances déclarées au passif de l’entrepreneur en difficulté, y compris les créances contestées[10]. L’ordonnance du 20 mai 2020[11] permet de s’écarter de cette règle et de mettre en place le plan sur la base d’un passif estimé ou vraisemblable sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes. L’objectif, là encore, est de faciliter et d’accélérer l’adoption des plans de sauvegarde ou de redressement.

Faciliter l’exécution des plans

Les plans de sauvegarde ou de redressement peuvent être allongés d’une durée de deux ans (qui s’ajoutera le cas échéant aux précédentes prorogations (5 mois[12]). La durée maximale du plan est fixée à douze ans au lieu de dix ans (dix-sept ans pour les exploitations agricoles).

Un nouveau privilège pour les apporteurs d’argent frais

L’ordonnance[13] prévoit la mise en place d’un nouveau privilège en sauvegarde ou en redressement pour les personnes qui consentiraient un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d’observation ou pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, dans la limite de cet apport. Certains auteurs le qualifient de privilège de « post-money ».

Ce privilège, supérieur en rang à celui des créances postérieures, restera toutefois primé par le privilège de New Money de la conciliation et le super-privilège des salariés. Enfin, il ne concerne pas les apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.

ait du client ne pouvait être considéré comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » (Soc. 22 nov. 2017, n°13-19.855).

Cette position est confirmée dans l’arrêt du 8 juillet 2020, dans lequel la Cour rappelle que « les demandes d’un client relatives au port d’une barbe pouvant être connotée de façon religieuse ne sauraient être considérées comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante ».

Il est précisé que si cette notion « d’exigence professionnelle essentielle et déterminante » ne peut s’appliquer à des « considérations subjectives », elle peut en revanche concerner une exigence objective « dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause ».

 

Faciliter le rebond

Elargissement des critères d’application de la liquidation judiciaire simplifiée et du rétablissement professionnel

La liquidation judiciaire simplifiée ne pouvait être ouverte que pour les entreprises dont la situation était irrémédiablement compromise. C’est désormais possible pour toute personne physique dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers, sous la seule réserve que cette personne physique n’ait pas eu au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure plus de cinq salariés[14].

Le rétablissement professionnel est une procédure qui permet, sous certaines conditions, d’effacer les dettes pour les entrepreneurs individuels personnes physique ne possédant pas d’employés et qui ne peuvent envisager un plan de redressement. Le seuil d’actif requis pour pouvoir bénéficier de cette procédure est augmenté et passe à 15 000 euros (au lieu de 5 000 euros). L’objectif est d’élargir le nombre de bénéficiaires de cette procédure.

Permettre au dirigeant de l’entreprise en difficulté de racheter son entreprise

En temps normal, le dirigeant de l’entreprise et/ou ses alliés ne peuvent reprendre l’entreprise en difficulté sauf dérogation accordée par le Procureur de la république[15]. Désormais, si la cession de l’entreprise permet d’assurer le maintien de l’emploi, le débiteur ou l’administrateur pourront présenter une requête afin d’autoriser l’acquisition par le dirigeant de droit ou de fait, des parents ou des alliés du/des dirigeant(s)[16].

La suppression des mentions au RCS

Les mentions au Registre du Commerce et des Sociétés seront radiées d’office dans le délai d’un an au lieu de deux à compter de l’arrêté d’un plan de sauvegarde ou de redressement lorsque celui-ci est encore en cours à cette date[17].

L’appréciation de l’état de cessation des paiements

L’appréciation de l’état des paiements pour les entreprises en difficulté se fait à la date du 12 mars 2020 jusqu’au 23 août inclus[18].

 

L’application dans le temps

Les dispositions relatives au privilège de « post-money », à la sauvegarde accélérée, aux mentions au RCS et à la liquidation judiciaire simplifié et au rétablissement professionnel ont vocation à s’appliquer du 21 mai 2020 jusqu’au 17 juillet 2021 et probablement postérieurement (une directive européenne adoptée en 2019[19] fait qu’une réforme des entreprises en difficulté est à venir).

Les autres dispositions ont vocation à s’appliquer du 21 mai 2020 jusqu’au 31 décembre 2020 inclus[20].

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