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Ministre et Avocat : une histoire commune ?

Publié le
8/7/2020
Ministre et Avocat : une histoire commune ?
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Bien avant le remaniement de 2020 les professions d'avocat et de ministre se sont toujours entrelacées, nous vous présentons ici leur histoire commune

Suite au récent remaniement du Gouvernement, l’avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti est devenu Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Si selon Hervé Temine, autre avocat pénaliste : « Le fait qu’un avocat soit désigné comme Garde des Sceaux est une bonne chose » il n’en demeure pas moins que cette nomination fait débat.

Pour autant, sommes-nous dans une situation sans précédent ? On peut se demander si des avocats sont déjà devenus des femmes ou hommes politiques après avoir prêté serment. Ou encore si certains ministres ont pu quitter la politique pour rejoindre le barreau.

Il apparaît que ministre et avocat sont des rôles qui vont souvent de paires, surtout sous la Ve République.

La relation entre les professions de ministre et d’avocat

L’ancien Président de la République, Raymond Poincaré, est une figure emblématique de la IIIe République. Mais il offre surtout l’exemple d’une double vie consacrée simultanément au barreau et à la politique.

Si c’est un rare exemple de la IIIe République, il semble que les cas de « double casquette » soient encore plus présents au cours de la Ve République.

Parcours avocat puis politique pour certains…

Robert Badinter et Pascal Clément ont consécutivement plaidé puis dirigé le ministère de la Justice. Avocat avant de rejoindre leur Gouvernement, ils ont ouvert la voie à d’autres femmes et hommes politique.

Nicolas Sarkozy est un exemple type d’un avocat s’étant consacré un temps à son cabinet, qui s’est ensuite lancé dans la politique.

En effet, Nicolas Sarkozy s’est inscrit au barreau de Paris puis a créé son cabinet avec deux confrères en 1987. Ce n’est qu’en 2007 qu’il conduit parallèlement une carrière politique et son rôle d’avocat.

On peut également citer François Baroin qui s’est inscrit au barreau de Paris en 2001, et  qui en 2015 cumulait les fonctions d’avocat, de maire et de sénateur !

…Ministre/parlementaire puis avocat pour d’autres

Un autre cas existe : les ministres qui se convertissent en avocat.

Généralement, les responsables politiques qui prennent la robe cherchent à faire fructifier leur carnet d’adresses, arrondir leurs fins de mois ou meubler une traversée du désert. Sans négliger bien évidemment le prestige et l’intérêt de la fonction.

Rachida Dati, anciennement magistrate devenue conseillère de Nicolas Sarkozy, a été porte-parole lors de sa campagne en 2007 puis Garde des Sceaux au sein des gouvernements de François Fillion. Elle a finalement prêté serment le 17 février 2010, en tant qu’avocate, sans suivre la formation nécessaire. En effet, elle a bénéficié, comme les anciens juristes, hauts fonctionnaires et certains parlementaires, de la possibilité d’accéder directement à la fonction d’avocat sans passer le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). C’est ce qu’on appelle un régime dérogatoire. Cela soulève d’ailleurs une question : en tant qu’ancienne Garde des Sceaux, a-t-elle pu être amener à plaider devant des juges qu’elle a elle-même nommés ou qui ont pu travailler au sein de ses services ?

Voici quelques autres exemples de régime dérogatoire :

  • Jean-François Copé en a bénéficié en 2007, tout en restant Maire de Meaux.
  • Noel Mamère également en mai 2008, même si selon lui il ne sélectionnait que des affaires à vocation « solidaire » (sans-papiers, faucheurs, etc.).
  • L’ex-ministre de l’Intérieur Claude Guéant et l’ex-secrétaire d’Etat Jeannette Bougrab ont prêté leur serment d’avocat en décembre 2012 le même jour.
  • En septembre 2019, c’est l’ancien ministre de l’Économie puis du Travail lors du quinquennat de François Hollande, Michel Sapin qui devient avocat au sein du cabinet Franklin, notamment dans le domaine de la lutte anti-corruption.
  • Jean-Louis Borloo, Bernard Cazeneuve, Dominique de Villepin ou encore Frédéric Lefebvre… pour ne citer qu’eux !

Une dualité favorisée par un décret

Cette dualité des rôles de ministre et d’avocat a notamment été facilitée par l’application de nombreuses règles dérogatoires concernant le « Certificat d’aptitude à la profession d’avocat en France » (CAPA) et son examen.

La mise en place la plus polémique a été celle du décret facilitant l’accès des parlementaires et anciens ministres à la profession d’avocat. Ce décret avait été pris avant l’élection présidentielle de 2012 et avait provoqué un tollé chez les avocats. Il a finalement été abrogé par Christiane Taubira en 2013, alors Garde des Sceaux.

Ce décret évoquait la posibilité pour toutes « les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », donc parlementaires comme ministres, d’exercer comme avocat sans avoir a passer ledit certificat.

A l’époque le Conseil National des Barreaux (CNB) avait déjà estimé que la formule et son champ d’application étaient trop « imprécis » et avait réclamé « une obligation de formation préalable de vingt heures minimum de déontologie et de réglementation ». Cet avis n’a pas été retenu.

Et selon-vous, quelle question peut poser le fait d’embrasser une carrière politique puis de porter la robe d’avocat, ou inversement ?

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